La disparition de Perek by Hervé Le Tellier

Auteur:Hervé Le Tellier [Hervé Le Tellier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Gallimard
Publié: 2022-05-27T00:00:00+00:00

19 avril, 7 h 55

Cabinet médical, 24, rue des Cloys, Paris 18e

La salle d'attente puait le déodorant pins des Landes et la vieille moquette de laine. Gabriel reposa L'Express et bâilla : il avait mal dormi, avant de se réveiller à six heures du matin, incapable de retrouver le sommeil.

Freddy, après cinq longues minutes de déprime sur Actualité Sida, allait s'emparer de Voici quand la secrétaire médicale entrouvrit la porte vitrée de la salle d'attente.

— Le docteur va vous recevoir tout de suite, monsieur Piérec.

— Perek, la reprit Gabriel. Sans accent, avec un « k ».

Freddy abandonna l'hebdomadaire à scandales avec une moue de désespoir et se leva.

— Et voilà, une fois de plus, je saurai pas avec qui couche la princesse…

— C'est pas grave, le consola Gabriel, c'est comme l'heure, ça change tout le temps…

— Messieurs ?

Le docteur Roux était un homme d'une quarantaine d'années, un peu plus petit que Gabriel, mais d'allure sportive.

— Par ici, si vous le voulez bien, fit-il en les précédant dans la salle de consultation.

Il contourna son bureau, et d'un ton curieux, mais affable, demanda :

— Vous êtes ensemble ?

— On peut le dire comme ça, se contenta de répondre Gabriel, refermant la porte derrière Freddy.

Le Poulpe s'installa dans son fauteuil, et sourit. Le médecin saisit un stylo-feutre, histoire de s'occuper les mains :

— Je vous écoute, jeunes gens. Qui est le malade ? Monsieur Perek ? Je crois que j'ai un patient qui porte ce nom. Vous êtes de sa famille ?

— Philippe Perek était le cousin germain de monsieur, affirma Gabriel en désignant Freddy, qui venait de s'asseoir sur la seconde chaise. Freddy ne tiqua pas. Le Poulpe l'avait prévenu : quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, ne s'étonner de rien.

— Était ?

Le praticien secoua la tête sans comprendre.

— Vous n'êtes pas au courant ?

— De quoi ?

— Philippe Perek est mort assassiné. La semaine dernière.

Gabriel observa attentivement le médecin et lui tendit la photocopie de l'article. Ce dernier la prit avec brusquerie et la lut attentivement. Puis il la reposa devant lui, son regard revenant sans cesse sur la photographie du jeune homme.

— C'est… affreux…

Son étonnement avait cédé la place à un trouble certain. Il répéta, à mi-voix :

— C'est affreux… Je ne me doutais pas…

Gabriel ne quittait pas le médecin du regard, guettant le moindre signe.

— Vous ne vous doutiez pas de quoi, docteur ?

Roux sembla émerger d'un rêve pénible. Il se passa rapidement la main sur le visage, comme pour chasser une image trop atroce.

— Excusez-moi, mais… Vous ne venez pas pour consulter ?

— Non, effectivement, nous ne venons pas pour consulter.

— Vous… Vous êtes de la police ?

Il y avait dans son ton de la méfiance et peut-être même une certaine inquiétude.

— Non, je vous l'ai déjà dit : monsieur est le cousin de votre patient. Quant à moi, je suis le conseil juridique de la famille Perek. Nous voudrions juste vous poser quelques questions.

— Je ne peux rien vous dire de spécial. D'ailleurs, je n'en aurais pas le droit.

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